Vous constaterez que nous répétons quelques règles et conseils fournis dans des textes précédents de ce blog-ci. Nous voulons expliquer leur importance dans le cadre de l’audition même de votre cause.
Nous vous rappelons, enfin, que nous tentons, dans notre blog, de fournir des renseignements et des conseils généraux sur la manière de se représenter soi-même devant un tribunal. Cependant, ce blog ne constitue nullement un cours de droit. Vous ne trouverez pas non plus dans ce texte un aperçu de toutes les règles que vous devriez respecter dans le cadre de votre procès, ou toutes les démarches que vous pourriez y entreprendre. La chose serait, en effet, bien trop longue.
Faire la preuve
Rappelons, tout d’abord, que l’on plaide une cause à la fin du procès et non pas au milieu... et encore moins au début.
Avant de plaider, il faut d'abord avoir présenté les faits et cherché à faire la preuve de ces faits. Il faut donc présenter de façon précise et complète tous les faits importants du litige.
Un tribunal rend son jugement d'après la preuve qui lui est soumise. Et c'est vous qui devez faire cette preuve. Si c'est vous qui poursuivez, le juge est tenu, en vertu de la loi, d'exiger que vous lui démontriez de la façon la plus complète possible que votre réclamation est fondée. Si vous ne réussissez pas à convaincre le juge que vous avez des motifs légitimes de poursuivre, la partie adverse ne sera pas condamnée.
Il est donc essentiel, pour avoir gain de cause, que vous soyez en mesure d'appuyer votre réclamation par des documents ou des témoignages qui prouvent ce que vous affirmez. Par conséquent, soyez méthodique et prouvez les faits uns après les autres, et cela de manière organisée. Ne perdez jamais de vue que vous devez prouver tout ce que vous avancez.
Il faut, par ailleurs, éviter de se lancer dans plusieurs démonstrations en même temps, en sautant d'un fait à un autre de façon brouillonne. C’est ce que font malheureusement certaines personnes qui se représentent elles-mêmes.
Dites-vous, qu’il faut que le juge puisse comprendre où vous vous en allez, ce que vous cherchez à démontrer et à prouver. Comme il ne connaît pas les faits de votre cause, et encore moins les détails de celle-ci, il aura du mal à vous suivre si vous partez constamment à droite et à gauche, et que vous sautez fréquemment d’un point à un autre sans ordre, et encore plus si vous sautez carrément du coq à l’âne, en passant brusquement d’un sujet à l’autre. Là, vous risquez réellement de le perdre dans vos explications, en plus de diminuer son attention.
Rappelez vous constamment de faire une chose à la fois, plutôt que cent choses à la fois. Soyez méthodique !
Il faut encore plus s’interdire de plaider sa cause pendant que l’on fait sa preuve, ou encore de fournir de longues explications ou de donner son point de vue quand ce n’est pas requis. Ainsi, évitez , avant de faire témoigner un témoin, d’expliquer en détails au juge pourquoi vous voulez faire témoigner celui-ci, ce sur quoi vous allez l’interroger, de même que tous les points que vous tenterez de prouver par son témoignage, surtout si votre témoin est déjà à la barre des témoins. Cela affaiblit dès le départ sa crédibilité et la vôtre, en plus d’être inutile.
En effet, si votre interrogatoire est bien mené, les choses s’expliqueront et s’établiront d’elles-mêmes. Le juge comprendra pourquoi vous le faites témoigner et ce que vous cherchez à prouver par son témoignage.
Finalement, il faut que les faits que vous ameniez en preuve soient pertinents, qu’ils se rapportent directement à votre cause et qu’ils servent à établir que les règles de droit que vous invoquez s’appliquent à votre cas et que votre réclamation ou votre défense sont bien fondés.
La pertinence
Il est utile, à ce stade-ci, de s’attarder quelque peu sur cette notion de pertinence des faits mis en preuve. Les tribunaux jugent les causes présentées devant eux en se basant sur les faits pertinents mis en preuve par les parties au procès.
Or, il arrive couramment que les personnes qui se représentent elles-mêmes exposent un bon nombre de faits qui ne sont pas pertinents à leur cause et ne font pas toute la preuve des faits qui sont eux pertinents. Non seulement, alors, ils ne présentent pas la meilleure preuve qu’ils pourraient présenter, mais en plus ils risquent de perdre en crédibilité. Ils donnent l’impression au juge qui ne savent pas trop ce qu’ils font. Ils le perdent inutilement dans des détails sans rapport au fond du débat, en plus d’affecter négativement sa concentration à la longue.
Cela dit, donnons un exemple de faits pertinents et de faits qui ne le sont pas. Disons que vous poursuivez un ami auquel vous avez avancé 10,000 $, il y plusieurs mois, après qu’il eut signé un contrat de prêt remboursable à demande (c’est-à-dire qu’aucun délai n‘a été fixé pour que vous puissiez lui demander de vous rembourser), contrat que vous ou un juriste avez rédigé. Votre ami ne veut plus maintenant vous rembourser, malgré vos demandes et que vous l’ayez eu mis en demeure de s’exécuter.
Dans vos procédures, il faudra d’abord alléguer que vous avez passé un contrat de prêt avec lui à telle date. Il faudra aussi alléguer que vous lui avez remis la somme de 10,000 $ à telle date, comme le prouve le chèque que vous lui avez donné alors, et dont vous avez obtenu l’original de votre banque, ou par votre témoignage ou celui d’une autre personne qui était présente quand vous lui avez donné l’argent.
Il sera très pertinent de prouver ces faits lors du procès ; les simples allégations dans vos procédures ne faisant pas preuve par elles-mêmes. Il sera aussi pertinent de prouver la fausseté des faits que votre ami avance dans sa défense. Il pourrait, par exemple, tenter de démontrer que le prêt n’a jamais eu lieu parce que vous ne lui avez pas remis l‘argent, qu’il vous l’a tout remboursé ou encore que ce n’était pas un prêt mais un don.
Par contre, il ne servira à rien, tant dans votre requête introductive d’instance que en preuve durant votre procès, de vous étendre sur votre longue amitié qui a pris fin à cause de ce prêt, d’expliquer que vous avez été profondément attristé par son attitude, et que ce n’était pas la première fois qu’il prenait du temps à vous remettre quelque chose qu’il vous empruntait, et que votre mère ne l’aimait pas beaucoup, etc. Tout cela n’est pas pertinent. Cela ne démontre pas, dans les faits, que vous lui avez prêté, à telle date, telle somme d’argent, et qu’il doit vous la rembourser dès à présent.
En fait, ici, on tente tout simplement et maladroitement de noircir l’autre partie en pensant que dire le plus de mal de l’adversaire, sur n’importe quel sujet, va nous aider à le faire mal paraître, et donc à gagner notre cause. Ce n’est pas du tout le cas. Ainsi, le fait qu’il est tardé dans le passé à vous remettre des objets que vous lui avez prêtez, ne prouve pas que vous lui avez prêté de l’argent dans la cause devant les tribunaux et qu’il ne veut pas vous rembourser. Quelqu’un peut tarder à remettre des choses et être quand même honnête.
De même, le fait que votre mère ne l’aimait pas beaucoup, ne prouve rien. Il y a des tas de mères qui n’aiment pas les amis de leurs enfants ou les conjoints de ceux-ci et cela, même parmi les juristes et les juges. Votre mère peut ne pas aimer quelqu’un même si celle-ci est honnête. Cela n’a rien avoir avec la cause.
Il en va aussi de la peine qui vous a causé en ne vous remboursant pas. Cela ne prouve pas le prêt, le non remboursement, etc. Ce sont simplement des sentiments que vous dites avoir. Ils ne prouvent rien en eux-mêmes.
Par conséquent, et répétons le, cherchez à mettre en preuve les faits pertinents de votre cause.
Et expliquez aussi à vos témoins que ce sont les faits pertinents de la cause sur lesquels ils doivent témoigner et qu’il ne doivent pas fournir plein d’explications et de détails inutiles sans rapport directe avec celle-ci. Pour cela, il faudra que par vos questions vous ne les encouragez pas à fournir ces explications et détails inutiles
Témoigner
Lorsque vous témoignez, il y a plusieurs règles et conseils que vous devriez suivre, et aussi demander à vos témoins de suivre.
Pour commencer, quand vous témoignerez, adressez vous au juge. C’est en effet lui qui entend votre cause et doit décider de son sort, pas l’autre partie ou son avocat. Donc regardez le juge quand vous parlez.
Parlez à voix haute, fort. Bien des gens, sans doute intimidés par la cour, parle à voix basse et les juges comprennent pas ou peu ce qu’ils disent. Il ne sert à rien de témoigner si on ne vous entend même pas. À l’opposé, évitez aussi de hurler en cour.
Parlez aussi clairement, en articulant, et cela pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus.
Racontez les faits avec clarté, cohérence, concision et précision. Ne perdez pas le juge dans des explications compliquées pour rien, décousues, avec des phrases très longues. Et surtout, ne vous perdez pas vous dans vos explications. On peut rapidement se perde dans les détails et oublier l’essentiel, quand on se met à parler sans aucune retenue. Vous risqueriez alors d’oublier de témoigner sur des faits pertinents, car aucun avocat ne sera là pour vous interroger, puisque vous vous représentez seul.
Prenez également votre temps quand vous témoignerez : votre témoignage est probablement le plus important qui soit pour votre cause. Vous devriez, avant de témoigner, avoir noté les points importants que vous voulez révéler au Tribunal. Vous pourrez vous référer à vos notes pour être certain de n’avoir rien oublié.
Finalement, répétons le, concentrez votre témoignage sur les points importants et pertinents de votre cause. N’oubliez pas que les règles sur le ouï-dire s’appliquent aussi à vous; vous ne pouvez pas témoigner sur des faits dont vous n’avez pas été témoin et qui vous ont été appris par une autre personne.
Interroger
Lorsque vous ferez témoigner vos témoins, voyez à ce qu’ils respectent les règles et conseils donnés ci-dessus.
Faites bien attention à posez vos questions avec clarté et précision, afin que votre témoin les comprenne. N’allez pas à insécuriser vos témoins et les mélanger en leur posant des questions mal construites, vagues ou trop longues.
Soyez également cohérent : que vos questions semblent, le plus possible, suivre un certain ordre logique et non être posées en désordre, selon ce qui vous passe par la tête, en sautant continuellement d'une question à une autre, sans rapport logique évident entre l’une et l'autre.
Par ailleurs, n'essayez pas de tout couvrir en même temps. Finissez d'abord une série de questions se rapportant à un même sujet ou thème, avant de passer à une autre série de questions ayant un autre sujet.
Servez-vous de vos notes pour poser des questions que vous aurez déjà rédigées.
Ajoutez des questions à poser lorsque vous savez qu'un témoin viendra contredire certains points précis de témoignages qui vous sont défavorables.
Avant de terminer l’interrogatoire de votre témoin, vérifiez vos notes afin d’être certain que vous n’avez pas oublié des questions sur les points forts de ce témoignage particulier.
Durant un interrogatoire, évitez d'être agressif avec un témoin et de faire des remarques désobligeantes.
Finalement, lorsque vous interrogez un témoin, vous ne devez que l'interroger. Vous n'êtes :
- pas là pour argumenter avec un témoin (pour dire, par exemple, au témoin qu'il ment et voici pour quelles raisons);
- pas là pour plaider (vous exposez les faits et le droit vous donnant raison);
- pas là pour interrompre le témoin à tout moment (parce que vous n'aimez pas sa réponse ou qu'une autre question vous vient à ce moment);
- pas là pour témoigner vous-mêmes (vous exposez au témoin votre version des faits concernant ce qu'il vient de dire). Vous êtes là seulement pour l'interroger.
Vous témoignerez, argumenterez et plaiderez à un autre moment dans le procès. Autrement dit, n'ayez pas l'air de tirer sur tout ce qui bouge quand vous procédez à un interrogatoire.
Contre-interroger
Il ne suffit pas de savoir que le témoin ment. Il vous faut le démontrer au juge, prouver qu'il se contredit ou qu'il n'est pas crédible. Une façon de le démontrer, et aussi d'affaiblir son témoignage, est de le contre-interroger efficacement.
Pour cela, il est nettement souhaitable de savoir à l'avance ce qu'il va répondre et de connaître les questions qui vont mal le faire paraître. Sinon, on risque, au contraire, d'accroître la valeur de son témoignage.
Il faut absolument éviter d'aller à une partie de pêche lorsque l'on contre-interroge, c'est-à-dire de poser un grand nombre de questions diverses en espérant que l'une d'elle sera l'hameçon qui permettra d'attraper le «poisson» (le témoin ici).
Par ailleurs, tenter d'affaiblir un témoignage ce n'est tenter de démolir le témoin. Ridiculiser un témoin vous rendra très peu sympathique au juge et celui-ci risque d’interrompre votre contre-interrogatoire.
Plaider
Les plaidoiries ont lieu une fois que l’enquête est terminée, c’est-à-dire une fois que tous les témoins des deux parties ont été entendus et que tous les pièces et preuves matérielles ont été déposées en cour. Les plaidoiries sont le dernier acte du procès.
Une plaidoirie peut servir à plusieurs choses. Elle peut être utilisée pour récapituler la preuve faite et insister sur les éléments de fait qui nous sont les plus favorables. Elle peut aussi tenter d’expliquer comment et pourquoi certains témoins de l’autre partie ne devraient pas être crus, ou chercher à affaiblir l’impact d’éléments de preuve présentés par la partie adverse, le tout entrecoupé d’arguments en droit tirés de la doctrine, de la loi et de la jurisprudence.
À défaut de connaître le droit, les personnes qui se représentent seules et qui ne sont pas des juristes devraient s’en remettre à la connaissance qu’en a le juge. En effet, il est du devoir du juge de connaître le droit, les développements de la jurisprudence et de protéger, jusqu’à un certain point, les droits fondamentaux des justiciables, surtout lorsque ceux et celles-ci ne sont pas représentés par un procureur.
Pour terminer, évitez dans votre plaidoirie d’accabler l’autre partie sous des reproches sans rapport directs avec votre cause. Évitez aussi les insultes ou les grands mots (comme ce que l’autre partie a fait est criminel, ou c’est un bandit, etc. ). Évitez également d’être trop émotif ou trop théâtral dans votre plaidoirie. Vous n’impressionnerez et ne convaincrez pas le juge de cette façon.