mercredi 28 novembre 2007

Se représenter soi-même devant un tribunal : 10- Le procès

Une fois que vous aurez rédigé les différentes procédures se rapportant à votre litige, préparé votre preuve et vos témoins, franchi les différentes étapes menant à l‘audition de votre cause, il vous faudra mener votre procès. Comme vous vous présenterez seul devant le tribunal, sans avocat, il vous faudra faire attention à certains aspects du déroulement d’un procès qui sont abordés ci-dessous.

Vous constaterez que nous répétons quelques règles et conseils fournis dans des textes précédents de ce blog-ci. Nous voulons expliquer leur importance dans le cadre de l’audition même de votre cause.

Nous vous rappelons, enfin, que nous tentons, dans notre blog, de fournir des renseignements et des conseils généraux sur la manière de se représenter soi-même devant un tribunal. Cependant, ce blog ne constitue nullement un cours de droit. Vous ne trouverez pas non plus dans ce texte un aperçu de toutes les règles que vous devriez respecter dans le cadre de votre procès, ou toutes les démarches que vous pourriez y entreprendre. La chose serait, en effet, bien trop longue.



Faire la preuve

Rappelons, tout d’abord, que l’on plaide une cause à la fin du procès et non pas au milieu... et encore moins au début.

Avant de plaider, il faut d'abord avoir présenté les faits et cherché à faire la preuve de ces faits. Il faut donc présenter de façon précise et complète tous les faits importants du litige.

Un tribunal rend son jugement d'après la preuve qui lui est soumise. Et c'est vous qui devez faire cette preuve. Si c'est vous qui poursuivez, le juge est tenu, en vertu de la loi, d'exiger que vous lui démontriez de la façon la plus complète possible que votre réclamation est fondée. Si vous ne réussissez pas à convaincre le juge que vous avez des motifs légitimes de poursuivre, la partie adverse ne sera pas condamnée.

Il est donc essentiel, pour avoir gain de cause, que vous soyez en mesure d'appuyer votre réclamation par des documents ou des témoignages qui prouvent ce que vous affirmez. Par conséquent, soyez méthodique et prouvez les faits uns après les autres, et cela de manière organisée. Ne perdez jamais de vue que vous devez prouver tout ce que vous avancez.

Il faut, par ailleurs, éviter de se lancer dans plusieurs démonstrations en même temps, en sautant d'un fait à un autre de façon brouillonne. C’est ce que font malheureusement certaines personnes qui se représentent elles-mêmes.

Dites-vous, qu’il faut que le juge puisse comprendre où vous vous en allez, ce que vous cherchez à démontrer et à prouver. Comme il ne connaît pas les faits de votre cause, et encore moins les détails de celle-ci, il aura du mal à vous suivre si vous partez constamment à droite et à gauche, et que vous sautez fréquemment d’un point à un autre sans ordre, et encore plus si vous sautez carrément du coq à l’âne, en passant brusquement d’un sujet à l’autre. Là, vous risquez réellement de le perdre dans vos explications, en plus de diminuer son attention.

Rappelez vous constamment de faire une chose à la fois, plutôt que cent choses à la fois. Soyez méthodique !





Il faut encore plus s’interdire de plaider sa cause pendant que l’on fait sa preuve, ou encore de fournir de longues explications ou de donner son point de vue quand ce n’est pas requis. Ainsi, évitez , avant de faire témoigner un témoin, d’expliquer en détails au juge pourquoi vous voulez faire témoigner celui-ci, ce sur quoi vous allez l’interroger, de même que tous les points que vous tenterez de prouver par son témoignage, surtout si votre témoin est déjà à la barre des témoins. Cela affaiblit dès le départ sa crédibilité et la vôtre, en plus d’être inutile.

En effet, si votre interrogatoire est bien mené, les choses s’expliqueront et s’établiront d’elles-mêmes. Le juge comprendra pourquoi vous le faites témoigner et ce que vous cherchez à prouver par son témoignage.

Finalement, il faut que les faits que vous ameniez en preuve soient pertinents, qu’ils se rapportent directement à votre cause et qu’ils servent à établir que les règles de droit que vous invoquez s’appliquent à votre cas et que votre réclamation ou votre défense sont bien fondés.


La pertinence

Il est utile, à ce stade-ci, de s’attarder quelque peu sur cette notion de pertinence des faits mis en preuve. Les tribunaux jugent les causes présentées devant eux en se basant sur les faits pertinents mis en preuve par les parties au procès.

Or, il arrive couramment que les personnes qui se représentent elles-mêmes exposent un bon nombre de faits qui ne sont pas pertinents à leur cause et ne font pas toute la preuve des faits qui sont eux pertinents. Non seulement, alors, ils ne présentent pas la meilleure preuve qu’ils pourraient présenter, mais en plus ils risquent de perdre en crédibilité. Ils donnent l’impression au juge qui ne savent pas trop ce qu’ils font. Ils le perdent inutilement dans des détails sans rapport au fond du débat, en plus d’affecter négativement sa concentration à la longue.

Cela dit, donnons un exemple de faits pertinents et de faits qui ne le sont pas. Disons que vous poursuivez un ami auquel vous avez avancé 10,000 $, il y plusieurs mois, après qu’il eut signé un contrat de prêt remboursable à demande (c’est-à-dire qu’aucun délai n‘a été fixé pour que vous puissiez lui demander de vous rembourser), contrat que vous ou un juriste avez rédigé. Votre ami ne veut plus maintenant vous rembourser, malgré vos demandes et que vous l’ayez eu mis en demeure de s’exécuter.

Dans vos procédures, il faudra d’abord alléguer que vous avez passé un contrat de prêt avec lui à telle date. Il faudra aussi alléguer que vous lui avez remis la somme de 10,000 $ à telle date, comme le prouve le chèque que vous lui avez donné alors, et dont vous avez obtenu l’original de votre banque, ou par votre témoignage ou celui d’une autre personne qui était présente quand vous lui avez donné l’argent.

Il sera très pertinent de prouver ces faits lors du procès ; les simples allégations dans vos procédures ne faisant pas preuve par elles-mêmes. Il sera aussi pertinent de prouver la fausseté des faits que votre ami avance dans sa défense. Il pourrait, par exemple, tenter de démontrer que le prêt n’a jamais eu lieu parce que vous ne lui avez pas remis l‘argent, qu’il vous l’a tout remboursé ou encore que ce n’était pas un prêt mais un don.

Par contre, il ne servira à rien, tant dans votre requête introductive d’instance que en preuve durant votre procès, de vous étendre sur votre longue amitié qui a pris fin à cause de ce prêt, d’expliquer que vous avez été profondément attristé par son attitude, et que ce n’était pas la première fois qu’il prenait du temps à vous remettre quelque chose qu’il vous empruntait, et que votre mère ne l’aimait pas beaucoup, etc. Tout cela n’est pas pertinent. Cela ne démontre pas, dans les faits, que vous lui avez prêté, à telle date, telle somme d’argent, et qu’il doit vous la rembourser dès à présent.

En fait, ici, on tente tout simplement et maladroitement de noircir l’autre partie en pensant que dire le plus de mal de l’adversaire, sur n’importe quel sujet, va nous aider à le faire mal paraître, et donc à gagner notre cause. Ce n’est pas du tout le cas. Ainsi, le fait qu’il est tardé dans le passé à vous remettre des objets que vous lui avez prêtez, ne prouve pas que vous lui avez prêté de l’argent dans la cause devant les tribunaux et qu’il ne veut pas vous rembourser. Quelqu’un peut tarder à remettre des choses et être quand même honnête.

De même, le fait que votre mère ne l’aimait pas beaucoup, ne prouve rien. Il y a des tas de mères qui n’aiment pas les amis de leurs enfants ou les conjoints de ceux-ci et cela, même parmi les juristes et les juges. Votre mère peut ne pas aimer quelqu’un même si celle-ci est honnête. Cela n’a rien avoir avec la cause.

Il en va aussi de la peine qui vous a causé en ne vous remboursant pas. Cela ne prouve pas le prêt, le non remboursement, etc. Ce sont simplement des sentiments que vous dites avoir. Ils ne prouvent rien en eux-mêmes.

Par conséquent, et répétons le, cherchez à mettre en preuve les faits pertinents de votre cause.
Et expliquez aussi à vos témoins que ce sont les faits pertinents de la cause sur lesquels ils doivent témoigner et qu’il ne doivent pas fournir plein d’explications et de détails inutiles sans rapport directe avec celle-ci. Pour cela, il faudra que par vos questions vous ne les encouragez pas à fournir ces explications et détails inutiles



Témoigner

Lorsque vous témoignez, il y a plusieurs règles et conseils que vous devriez suivre, et aussi demander à vos témoins de suivre.

Pour commencer, quand vous témoignerez, adressez vous au juge. C’est en effet lui qui entend votre cause et doit décider de son sort, pas l’autre partie ou son avocat. Donc regardez le juge quand vous parlez.

Parlez à voix haute, fort. Bien des gens, sans doute intimidés par la cour, parle à voix basse et les juges comprennent pas ou peu ce qu’ils disent. Il ne sert à rien de témoigner si on ne vous entend même pas. À l’opposé, évitez aussi de hurler en cour.

Parlez aussi clairement, en articulant, et cela pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus.

Racontez les faits avec clarté, cohérence, concision et précision. Ne perdez pas le juge dans des explications compliquées pour rien, décousues, avec des phrases très longues. Et surtout, ne vous perdez pas vous dans vos explications. On peut rapidement se perde dans les détails et oublier l’essentiel, quand on se met à parler sans aucune retenue. Vous risqueriez alors d’oublier de témoigner sur des faits pertinents, car aucun avocat ne sera là pour vous interroger, puisque vous vous représentez seul.

Prenez également votre temps quand vous témoignerez : votre témoignage est probablement le plus important qui soit pour votre cause. Vous devriez, avant de témoigner, avoir noté les points importants que vous voulez révéler au Tribunal. Vous pourrez vous référer à vos notes pour être certain de n’avoir rien oublié.

Finalement, répétons le, concentrez votre témoignage sur les points importants et pertinents de votre cause. N’oubliez pas que les règles sur le ouï-dire s’appliquent aussi à vous; vous ne pouvez pas témoigner sur des faits dont vous n’avez pas été témoin et qui vous ont été appris par une autre personne.







Interroger

Lorsque vous ferez témoigner vos témoins, voyez à ce qu’ils respectent les règles et conseils donnés ci-dessus.

Faites bien attention à posez vos questions avec clarté et précision, afin que votre témoin les comprenne. N’allez pas à insécuriser vos témoins et les mélanger en leur posant des questions mal construites, vagues ou trop longues.

Soyez également cohérent : que vos questions semblent, le plus possible, suivre un certain ordre logique et non être posées en désordre, selon ce qui vous passe par la tête, en sautant continuellement d'une question à une autre, sans rapport logique évident entre l’une et l'autre.

Par ailleurs, n'essayez pas de tout couvrir en même temps. Finissez d'abord une série de questions se rapportant à un même sujet ou thème, avant de passer à une autre série de questions ayant un autre sujet.

Servez-vous de vos notes pour poser des questions que vous aurez déjà rédigées.

Ajoutez des questions à poser lorsque vous savez qu'un témoin viendra contredire certains points précis de témoignages qui vous sont défavorables.

Avant de terminer l’interrogatoire de votre témoin, vérifiez vos notes afin d’être certain que vous n’avez pas oublié des questions sur les points forts de ce témoignage particulier.

Durant un interrogatoire, évitez d'être agressif avec un témoin et de faire des remarques désobligeantes.

Finalement, lorsque vous interrogez un témoin, vous ne devez que l'interroger. Vous n'êtes :

- pas là pour argumenter avec un témoin (pour dire, par exemple, au témoin qu'il ment et voici pour quelles raisons);

- pas là pour plaider (vous exposez les faits et le droit vous donnant raison);

- pas là pour interrompre le témoin à tout moment (parce que vous n'aimez pas sa réponse ou qu'une autre question vous vient à ce moment);

- pas là pour témoigner vous-mêmes (vous exposez au témoin votre version des faits concernant ce qu'il vient de dire). Vous êtes là seulement pour l'interroger.

Vous témoignerez, argumenterez et plaiderez à un autre moment dans le procès. Autrement dit, n'ayez pas l'air de tirer sur tout ce qui bouge quand vous procédez à un interrogatoire.




Contre-interroger

Il ne suffit pas de savoir que le témoin ment. Il vous faut le démontrer au juge, prouver qu'il se contredit ou qu'il n'est pas crédible. Une façon de le démontrer, et aussi d'affaiblir son témoignage, est de le contre-interroger efficacement.

Pour cela, il est nettement souhaitable de savoir à l'avance ce qu'il va répondre et de connaître les questions qui vont mal le faire paraître. Sinon, on risque, au contraire, d'accroître la valeur de son témoignage.

Il faut absolument éviter d'aller à une partie de pêche lorsque l'on contre-interroge, c'est-à-dire de poser un grand nombre de questions diverses en espérant que l'une d'elle sera l'hameçon qui permettra d'attraper le «poisson» (le témoin ici).

Par ailleurs, tenter d'affaiblir un témoignage ce n'est tenter de démolir le témoin. Ridiculiser un témoin vous rendra très peu sympathique au juge et celui-ci risque d’interrompre votre contre-interrogatoire.




Plaider

Les plaidoiries ont lieu une fois que l’enquête est terminée, c’est-à-dire une fois que tous les témoins des deux parties ont été entendus et que tous les pièces et preuves matérielles ont été déposées en cour. Les plaidoiries sont le dernier acte du procès.

Une plaidoirie peut servir à plusieurs choses. Elle peut être utilisée pour récapituler la preuve faite et insister sur les éléments de fait qui nous sont les plus favorables. Elle peut aussi tenter d’expliquer comment et pourquoi certains témoins de l’autre partie ne devraient pas être crus, ou chercher à affaiblir l’impact d’éléments de preuve présentés par la partie adverse, le tout entrecoupé d’arguments en droit tirés de la doctrine, de la loi et de la jurisprudence.

À défaut de connaître le droit, les personnes qui se représentent seules et qui ne sont pas des juristes devraient s’en remettre à la connaissance qu’en a le juge. En effet, il est du devoir du juge de connaître le droit, les développements de la jurisprudence et de protéger, jusqu’à un certain point, les droits fondamentaux des justiciables, surtout lorsque ceux et celles-ci ne sont pas représentés par un procureur.

Pour terminer, évitez dans votre plaidoirie d’accabler l’autre partie sous des reproches sans rapport directs avec votre cause. Évitez aussi les insultes ou les grands mots (comme ce que l’autre partie a fait est criminel, ou c’est un bandit, etc. ). Évitez également d’être trop émotif ou trop théâtral dans votre plaidoirie. Vous n’impressionnerez et ne convaincrez pas le juge de cette façon.

mardi 27 novembre 2007

Se représenter soi-même devant un tribunal : 9- La préparation des témoins

Une des nombreuses tâches que doit remplir un avocat, quand il représente un client devant les tribunaux, est de préparer les personnes qu’il entend faire témoigner, à venir justement témoigner, et à le faire de la meilleure façon possible. Si vous décidez de vous représenter vous-même, sans avocat, à votre procès, vous devrez assumer seul cette tâche.


Vous devrez évidemment, avant cela, établir qui devra venir témoigner pour soutenir votre cause.



Trouver vos témoins

Il n’est pas toujours facile de savoir quelles personnes il faut faire témoigner dans un procès pour le gagner. Il y a différentes raisons à cela.

Il existe, tout d’abord, une règle fondamentale en droit. Il faut faire témoigner les gens qui étaient présents lorsque les faits, que l’on veut mettre en preuve, sont survenus. Autrement dit, il faut qu’ils aient constaté eux-mêmes ces faits, qu’ils les aient vus et/ou entendus, etc.

À l’inverse, Il ne faut pas que les faits aient été portés à la connaissance de vos témoins par d’autres personnes. C’est alors du ouï-dire : ils ont entendu dire que… Or, la preuve par ouï-dire n’est généralement pas permise.

Il est aussi fortement déconseillé de faire témoigner une personne qui ne veut pas témoigner pour vous. Cela est vrai même si l’on sait que cette personne a vu les faits essentiels de la cause et que son témoignage pourrait faire une grande différence en notre faveur.

On peut certes l’assigner à comparaître. En effet, en vertu de l’article 280 du Code de procédure civile (C.p.c), « la partie qui désire produire un témoin peut l'assigner au moyen d'un bref de subpoena délivré par un juge, un greffier ou un avocat du district où la cause doit être entendue ou de tout autre district et signifié au moins 10 jours avant la comparution ».

Cependant, un personne qui est contrainte à témoigner fait rarement un bon témoin. En effet, cette personne peut mentir ou raconter une autre version des faits, dire qu’elle n’était pas présente ou qu’elle ne se rappelle pas ce qui s’est passé, ou encore ne pas dire grand chose. Dans tous ces cas, l’on se retrouve perdant une fois son témoignage complété. On aide plutôt la partie adverse que soit-même.

On peut se dire que l’on va, par nos questions, forcer, en définitive, un témoin hostile à dire la vérité. Cela arrive très rarement. Les avocats ne s’y essayent pas d’habitude. En effet, si cela ne fonctionne pas, alors on vient de faire la preuve de la partie adverse, et non la sienne.

Si, par ailleurs, vous pensez que vous pourrez désavouer votre témoin après coup, détrompez-vous. Vous ne le pourrez pas et ce, en vertu de l‘article 310 C.p.c. Cet article spécifie que : «la partie qui produit un témoin ne peut le reprocher, mais elle peut prouver par d'autres le contraire de ce qu'il a dit, ou, avec la permission du tribunal, prouver qu'il a, à une autre époque, fait des déclarations incompatibles avec son témoignage actuel, pourvu que, dans ce dernier cas, le témoin ait d'abord été interrogé à cet égard. »

Cela dit, avant de faire témoigner une personne qui vous est favorable, vous devez encore vous demander si elle ferait un bon témoin ou pas. Il faut que vous déterminiez d’abord si cette personne a pu réellement constater les faits qu’elle doit décrire au tribunal ou si elle ne les a que juste entraperçu.

Vous devez également vous demander si cette personne à l’air crédible ou pas. Est-elle claire dans ses explications ou, au contraire, plutôt confuse ? Est-elle est calme ou a-t-elle plutôt tendance à s’emporter facilement ? Est-elle est impressionnable et risque-t-elle de perdre rapidement ses moyens ou non ? Et ainsi de suite.

Si vous en arrivez à la conclusion qu’elle ne ferait pas un bon témoin et que son témoignage serait, de toute façon, secondaire (ne porterait pas sur les éléments essentiels de la cause), vous seriez mieux de ne pas la faire témoigner. Cela risquerait de vous nuire plus qu’autre chose.

Si cette même personne représente toutefois un témoin clé dans votre cause, vous n’aurez sans doute pas vraiment le choix de la faire témoigner. Vous devrez alors chercher à la préparer le mieux possible à son témoignage. Indiquez lui les questions que vous allez lui poser et comment y répondre. Ainsi, si cette personne a tendance d’habitude à partir à gauche et à droite dans ses explications, dites-lui, à plusieurs reprises de faire des phrases courtes et un court arrêt entre chacune de ses phrases. Dites-lui aussi de répondre aux questions une à la fois; et non pas de chercher à répondre à toutes les questions en même temps.

Par ailleurs, essayez de la faire témoigner le moins longtemps possible, si vous le pouvez. Tenez-vous à l’essentiel de ce qu’elle doit amener en preuve par son témoignage. Si vous la faites témoigner très longtemps, le naturel va revenir, et son témoignage risque de perdre de sa crédibilité à la longue.

Évidemment, si une personne constituerait, à l’opposé, un bon témoin, faites-la témoigner.



Préparez vos témoins

Il est conseillé de préparer les témoins (que l’on va faire entendre lors du procès) à témoigner convenablement et ce, bien sûr, avant le début du procès.

Il faut pour cela, tout d’abord, savoir à l’avance ce que vos témoins vont répondre devant le tribunal. Sinon, vous risquez d’avoir de mauvaises surprises durant le procès et de nuire à votre preuve, voire d’aider à faire la preuve de la partie adverse.

Pour cela, il faut que vous connaissiez la version de vos témoins quant aux évènements et aux faits qui concernent votre cause. Il faut également que vous leur indiquiez ce que vous allez leur demander durant leur témoignage au procès.

Conseillez aussi à vos témoins de répondre franchement aux questions qui leur seront posées. Dites-leur que, lorsque ce sera vous qui les interrogerez, ce sera à eux de répondre, et non pas à vous. Autrement dit, dites-leur que vous ne pourrez pas leur souffler les réponses à fournir. Rappelez aussi à vos témoins de prendre leur temps pour répondre correctement.


Vous devez aussi les prévenir qu’ils pourront être éventuellement contre-interrogés, c’est-à-dire être interrogés par l’avocat de la partie adverse. Ce n’est, cependant, pas automatique. L’avocat de la partie adverse peut décider de ne pas contre-interroger un de vos témoins et ce, pour différentes raisons.

Prévenez vos témoins que si le procureur de l’autre partie les contre-interrogent, il va probablement chercher à affaiblir leur crédibilité et leur témoignage. Pour ce faire, il va leur poser diverses questions subjectives; c’est-à-dire que la question contient en elle-même la réponse et que le témoin n’a juste qu’à dire oui ou non pour y répondre.

Il est important que vous demander à vos témoins de garder leur calme et de ne pas se sentir personnellement visé par les questions et remarques de l’avocat de l’autre partie, même s’il cherche à les faire mal paraître. S'ils s'emportent, ils risquent de perdre de leur crédibilité

Indiquez à vos témoins qu’ils ne peuvent pas sans raison valable refuser de répondre aux questions qui leur sont posées. Ils ne peuvent pas non plus décider par eux-mêmes que leur témoignage est terminé et se retirer sans la permission du tribunal. S‘ils le font, ils pourraient être reconnus coupables d’outrage au tribunal (article 313. C.p.c.)



Décidez si vous allez témoigner

Même si vous n’êtes pas représentés par un avocat, vous pouvez témoigner durant votre procès. Si vous représentez vous-même vous ne pourrez évidemment pas vous interroger vous-même. Vous ferez plutôt sous serment, une série de déclarations sur les faits dont vous voulez témoigner.

Vous pouvez également décider de ne pas témoigner. Témoigner vous-même peut présenter parfois plus d’inconvénients que d’avantages, parce que, une fois que vous aurez fait vos déclarations vous pourrez être contre-interroger par le procureur de l’autre partie. Et ce dernier pourrait, avec ses questions, démolir votre témoignage si votre cause ou votre défense n’est pas très forte.

Cela dit, dans les procès civils, les parties viennent souvent témoigner en cour, car elles sont souvent les premiers témoins de leur cause et, parfois, les seuls. Et, donc, si elles ne témoignent pas, elles n’auront pas de preuve à faire valoir.




Préparez votre témoignage

Si vous décidez que vous témoignerez lors de votre procès, vous devrez préparer à l’avance ce que vous allez déclarer. Ce sera, en effet, la seule occasion que vous aurez de donner votre version des faits. Vous ne devez donc pas rater cette occasion.

Si vous n’avez que peu de témoins importants à faire entendre, cela veut souvent dire qu’une bonne partie de la preuve que vous aurez à faire dépendra de votre témoignage. Vous devrez donc témoigner sur beaucoup de faits, et essayer de ne pas en oublier. Autrement dit, votre version des faits devra être la plus complète possible, tout en étant cohérente. À tout le moins, faites une liste complète de tous les éléments sur lesquels vous devrez témoigner et apprenez-la bien.

Il est conseillé de témoigner sur les faits soit par ordre chronologique, pour que le juge puisse suivre vos explications, soit par thème (c'est-à-dire sur une série de faits qui sont logiquement liés entre eux).

Il serait, d’autre part, souhaitable que, avant le procès, vous expliquiez votre cause à une personne qui la connaît peu ou pas, comme si vous témoignez en cour. Si cette personne ne saisit pas bien votre version des faits, il se peut que celle-ci ne soit pas clair, et que donc le juge ne comprendra pas tout de votre témoignage. Vous aurez alors intérêt à améliorer la préparation de votre témoignage, et à rendre vos explications les plus claires possibles.

Vous devrez aussi vous préparer à être contre-interrogé par l’avocat de la partie adverse. Il faut donc que vous essayez de deviner quelques-unes des questions qu’il pourrait vous poser. Pour cela, il faut que vous analysiez d’abord, avec le plus d’objectivité possible, les faiblesses de votre demande ou de votre défense. C’est là-dessus que l’avocat va probablement le plus vous contre-interroger.

Préparez alors des réponses qui, sans être fausses, limitent les dégâts qu’elles peuvent avoir pour votre cause, tout en étant crédibles. Cela est bien sûr loin d’être toujours évident à réaliser.

Surtout évitez de nier systématiquement tout ce qui vous est défavorable. L’avocat de l’autre partie ne vous contre-interrogerait probablement pas s’il ne disposait pas déjà d’éléments pour contredire certaines de vos négations ou fausses affirmations. Et s’il arrive à vous contredire plusieurs fois, votre crédibilité et sincérité vont nettement diminuer aux yeux du juge.

Et surtout cherchez à rester calme quand vous témoignerez et, plus encore, quand vous ferez témoigner vos témoins. En effet, si vous vous n’êtes pas calme à cette occasion, alors imaginez comment vont se sentir vos témoins.


vendredi 23 novembre 2007

Se représenter soi-même devant un tribunal : 8- La préparation de la preuve


Il est difficile de gagner un procès si on ne s’y est pas bien préparé à l’avance. Un procès ne se prépare pas la veille de l’audition de la cause. Prenez la peine de vous préparer soigneusement, surtout que vous représentez seul devant le tribunal, sans avocat.

Préparer un procès c’est avant tout préparer la preuve que l’on entend faire à l’audition du procès. La recherche des faits constitue donc la première étape de ce procès. Et il s’agit probablement de l’étape la plus importante. Cette recherche des faits doit être la plus complète possible.

Un tribunal se fonde essentiellement sur les faits mis en preuve pour juger une cause. Il ne se fonde pas sur des arguments appuyés sans preuve valable, sur des émotions, ou encore sur des effets de manche lors de la plaidoirie ; contrairement à ce qu’on peut voir dans certains films ou séries télévisées. En effet, dans la presque totalité des procès, la règle de droit ne s’applique à une situation que si certains faits y donnent ouverture et que ces faits sont prouvés.




Avant de réunir votre preuve avant le procès, vous devez d’abord déterminer : qui doit faire quelle preuve, qui à le fardeau de la preuve, ce qu’il faut prouver comme faits et comment il faut les prouver.



Qui doit faire la preuve ?

Il faut tout d’abord dire, de manière très simplifiée, que c’est généralement à la personne qui affirme une chose, lors d’un procès, à la prouver. Cela semble aller de soit. Pourtant certaines personnes qui se représentent elles-mêmes, affirment des choses, lors de leur procès, sans même chercher à en faire vraiment la preuve, comme si leurs affirmations constituaient en soi une preuve. Ce n’est malheureusement pas le cas.

Ainsi, si rendu à la fin de votre procès, lors de votre plaidoirie, vous affirmez des choses que vous n’avez pas prouvé avant cela, et dont vous n’avez peut-être même pas parlé jusque-là, ne vous attendez pas à ce qu’un juge en tiennent compte dans sa décision !

Pour cela, il aurait fallu que vous ou un de vos témoins témoigne au sujet de ces choses, ou que vous ayez produit un écrit valable confirmant vos affirmations, etc.

Pour commencer plus en détails, indiquons tout de suite que c’est généralement au demandeur (celui qui présente la requête introductive d‘instance) à faire sa preuve en premier. En effet, comme c’est le demandeur qui, dans une cause, veut faire valoir un droit (qui réclame quelque chose au tribunal), ce sera habituellement a lui à d’abord prouver les faits qui soutiennent sa réclamation.

L’article 2803 du Code civil du Québec est clair à ce sujet. « Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. » C’est qu’on appelle le fardeau de la preuve. Ce fardeau repose plus souvent qu’autrement sur les épaules du demandeur, du moins au départ. Nous reviendrons sur la notion du fardeau de la preuve un peu plus loin.

Cela dit, il n’appartient pas qu’au demandeur à faire la preuve des faits qu’il allègue. Le défendeur doit également prouver les faits qu’il avance. En effet, l’article 2803 du Code civil stipule aussi que « celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

Cela veut dire que si une fois que le demandeur a prouvé qu’il a un droit à faire valoir contre le défendeur, ce sera au défendeur à prouver que le droit du défendeur n’existe pas ou est nul dans les faits, ou encore que les circonstances font en sorte que ce droit a été modifiés ou qu’il n’existe plus.

Prenons un exemple. A vend des meubles à B, qui doit les payer après leur livraison. A prétend que B ne l’a pas payé et le poursuit pour le montant de la vente. Le fardeau de la preuve est sur les épaules de A. Il doit prouver qu’il a vendu les marchandises à B, en mettant notamment en preuve le contrat qu’ils ont signé. Il doit également prouver qu’il a livré les marchandises à B, à l’aide de documents attestant la livraison et/ou du témoignage du livreur.

Pour continuer l’exemple, une fois que le demandeur A a fait sa preuve, c’est à B à faire la sienne pour ne pas être condamné par le tribunal à payer la somme réclamée par A. Il pourrait chercher à prouver qu’il n’y a pas eu de vente dans les faits, ou qu’il a déjà payé les meubles, ou alors que les meubles livrés étaient défectueux ou encore que les meubles n’étaient pas ceux qu’il avait commandé, etc. Autrement dit, qu’il n’avait pas d’obligation envers A, ou qu’il s’est déjà acquitté de ses obligations, ou encore que c’est A qui ne s’est pas acquitté lui de son obligation de lui fournir les bons meubles ou des meubles en bon état. Ces derniers faits devront eux être prouvés par B.

Dans la plupart des causes qui sont contestées (c’est-à-dire dans laquelle le défendeur présente une défense), les défendeurs allèguent des faits susceptibles d'annuler, de modifier ou d'éteindre les droits qu’on leur oppose. C’est donc dire que finalement dans les causes contestées le fardeau de la preuve est en quelque sorte divisé entre le demandeur et le défendeur, dans les faits.

Qui a le fardeau de la preuve ?

De manière simplifiée, disons que celui qui porte le fardeau de la preuve est celui qui a la responsabilité de persuader le tribunal, par sa preuve, que ce qu’il affirme est vrai et est suffisant pour que ce dernier lui donne raison.

Comme nous l’avons vu, le fardeau de la preuve est habituellement d’abord supporté par le demandeur, mais peut, si celui-ci fait une preuve relativement convaincante, devoir être supporté ensuite par le défendeur. L’importance de la règle du fardeau de la preuve tient au fait que la partie qui doit l’assumer perdra son procès si elle ne réussit pas à convaincre le juge que ses prétentions sont fondées. Ainsi, l'action du demandeur sera rejetée si celui-ci n'établit pas les actes ou les faits qui établissent sa réclamation.

Par contre, une fois cela fait, le défendeur sera lui condamné s'il ne prouve pas que sa défense est valable. Cela dit, il ne faut pas accorder non plus une importance exagérée à la règle du fardeau de la preuve. Dans la réalité, un partie va affirmer et chercher à prouver des faits qui lui sont favorables, même si c’est son adversaire qui à l’obligation de persuader le tribunal en premier lieu; au cas justement où il arriverait à convaincre ce dernier.

En plus, un juge rend souvent sa décision après avoir apprécié la valeur respective des preuves de chaque partie. La règle du fardeau de la preuve sert surtout lorsque le tribunal constate l'insuffisance de la preuve du demandeur, ou encore lorsqu'il est dans l'impossibilité d'en arriver à une conclusion parce qu’il ne sait trop quelle partie croire.


Que faut-il prouver ?

Pour savoir ce qu’il faut prouver, il faut, avant tout, bien lire les articles des lois, des codes ou des règlements qui sont pertinents à la cause qui nous occupe.

Prenons un exemple. Si une personne vous cause un dommage par sa faute, elle devra réparer le dommage qu’elle vous a causé, et cela en vertu de l’article 1457 du Code civil. C’est ce qu’on appelle la responsabilité délictuelle. Pour que l’article 1457 puisse s’appliquer, vous devrez prouver, tout d’abord, que cette personne a commis une faute.

Une fois que vous aurez prouver sa faute, il ne faudra pas en rester là. Et c’est ce que malheureusement des personnes non représentées par avocat ne comprennent pas toujours: elles pensent qu’elles ont gagné leur cause une fois qu’elles ont démontré que l’autre partie s’est mal comportée. Ce n’est pas le cas.

En effet, il faudra aussi prouver que vous avez subis des dommages et prouver leur étendue (combien vous devriez recevoir pour être raisonnablement dédommagés).
Cela fait, vous devrez en plus prouver que c’est bien la faute de cette personne qui a causé vos dommages; vous devrez donc prouver ce qu’on appelle le lien de causalité entre la faute et le dommage.

La preuve que doit faire une personne qui se présente seule devant les tribunaux, sans avocat, est souvent plus importante qu’elle ne le pense. Soyez donc conscient de cela et essayez de bien déterminer ce que vous aurez à prouver, quitte à consulter un avocat une heure ou deux.

Cela dit, vous n’aurez pas non plus, à l’opposé, à tout prouver systématiquement. Ainsi, vous n’avez pas à prouver l’existence d’une disposition légale en votre faveur. Il existe aussi certaines présomptions légales qui peuvent faciliter l’établissement de la preuve. Par exemple, si un chien vous a mordu, vous n’avez pas à prouver la faute de son propriétaire. Un aveu de la partie adverse pourrait également vous faciliter la tâche.


Comment faut-il le prouver ?

Il existe différents moyens de prouver des faits durant un procès : un témoignage, un écrit, une preuve matérielle, un aveu ou le bénéfice d’une présomption.

Ces moyens de preuve ne peuvent pas, selon les cas, être toujours utilisés ou n’ont pas la même force probante.

Ainsi, si un contrat est en jeu dans votre procès et que la valeur en litige est de plus de 1,500 $, vous devrez produire l’original du contrat. Votre simple témoignage ne suffira pas à en faire la preuve. Et si vous produisez votre contrat, la partie adverse ne pourra pas le contredire au moyen d’un témoignage.

En effet, l’article 2862 du Code civil prévoit que : « La preuve d'un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1 500 $. Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve; on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise. »

Par ailleurs, il existe plusieurs sortes d’écrits : 1) les écrits authentiques, qui sont rédigés par un notaire, un huissier, et autres ; 2) les écrits rédigés et signés par les parties elles-mêmes, que l’on appelle des écrits sous seing privé ; 3) tous les autres types d’écrits, comme les lettres privées, les registres, les inscriptions dans un agenda, etc.

De tous ces documents, le document authentique est celui dont la validité, le contenu et l’origine sont le plus sûr et qui est le plus difficile à contester par l‘autre partie. Pour en savoir plus sur l’administration de la preuve, vous devriez d’abord consulter les articles pertinents du Code civil du Québec (C.c.Q.) et du Code de procédure civile (C.p.c).

Vous devriez notamment lire les articles du livre septième, intitulée De la preuve, du Code civil, à savoir les articles 2803 à 2874 C.c.Q. Vous devriez en plus examiner les articles du titre cinq du Code de procédure civile, intitulée l’administration de la preuve et audition, à savoir les articles 274 à 331.9 C.p.c.

Sachez que ces deux codes renferment d’autres dispositions concernant la preuve et son administration pour certains types de recours ou certaines choses particulières à prouver. Par exemple, pour prouver le décès d’une personne, on doit d’abord consulter, entre autres, les articles 94 et 102 du Code civil. Si on demande plutôt l’ouverture d’un régime de protection pour une personne majeure (tutelle et curatelle), il a lieu de consulter notamment les articles 256 à 297 C.c.Q. Ainsi, si une personne irresponsable a fait des actes juridiques avant d’être placé sous curatelle ces actes «peuvent être annulés ou les obligations qui en découlent réduites, sur la seule preuve que l'inaptitude était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés », en vertu de l‘article 284 C.c.Q.

Autrement dit, le fardeau de la preuve est nettement allégé. Cela vaut la peine de le savoir. C’est pourquoi il est très important de déterminer quelles règles de preuves s’appliqueront lorsque vous ferez votre preuve à votre procès.

Il serait aussi recommandé que vous procuriez un livre sur la preuve dans une librairie spécialisée en droit, ou que vous le consultiez dans une bibliothèque de droit d’une université. Ce livre vous serez sûrement très utile.



Quelle force doit avoir notre preuve ?

Quelle force doit avoir notre preuve ? On ne peut pas répondre de manière totalement claire et absolue à cette question.

En effet, le juge jouit en générale d’une importante marge de manœuvre dans son évaluation de la preuve. Chaque partie doit donc lui soumettre les meilleures preuves possible pour le convaincre. Après avoir entendu les plaidoiries et étudié le dossier, le juge prendra sa décision selon le principe de la prépondérance de la preuve (voir ci-dessous).

Cela veut dire qu’il donnera raison à la partie qui, selon lui, aura rassemblé les preuves les plus convaincantes. S’il lui est impossible de départager les deux parties, il estimera que le demandeur, qui avait au départ le fardeau de la preuve, n’a pas satisfait à son obligation de le convaincre et il rejettera la demande.

Le principe de la prépondérance de la preuve est exposé à l’article 2804 C.c.Q. Cet article stipule que : « La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. » Il n’est donc pas nécessaire de faire une preuve hors de toute doute raisonnable, comme en droit criminel. Il faut plutôt que l’ensemble de votre preuve rende votre version plus probable que celle de l’autre partie, qu’elle soit plus véridique aux yeux du juge. On appelle, d’ailleurs le principe de la prépondérance de la preuve, la balance des probabilités, la partie dont la version des faits est la plus crédible va gagner le procès.


Conclusion

Comme vous pouvez le constater, vous avez donc intérêt à rassembler le plus de preuves pertinentes possibles pour convaincre le tribunal de vous donner raison, et cela bien avant que ne débute le procès. Nous vous avons d’ailleurs recommandé, dans un texte précédent celui-ci, de rassembler dès le début tous les documents pertinents à votre cause et de les ranger dans un endroit sûr.

Vous devrez également préparer vos témoins avant que ne commence votre procès. Dans le prochain texte, nous parlerons justement de la préparation des témoins.




vendredi 16 novembre 2007

Se représenter soi-même devant un tribunal : 7- La défense


Si vous êtes poursuivi en justice, au civil, et que vous vous représentez vous-même, seul, sans avocat, vous aurez éventuellement un certain nombre d’actes de procédures à rédiger, dont notamment une défense. Le présent texte a pour but de vous exposer les grandes lignes de la rédaction d’une défense.



Formes de la défense

Le défendeur qui désire contester la demande au fond (c’est-à-dire non pas par des moyens préliminaires et déclinatoires, vus dans le précédent texte) devra le faire au moyen d'une défense qui est le plus souvent écrite, mais qui parfois est simplement orale. Pour savoir si une défense sera, en principe, orale, consultez l’article 172.2 du Code de procédure civile (C.p.c).

Notez que les parties peuvent s’entendre pour qu’une défense qui devrait en principe être orale soit écrite ou, à l’inverse, qu’une défense en principe orale soit écrite, en vertu de l’article 172.3 C.p.c. Nous traiterons ici de la défense écrite.

Il existe plus d’une forme de défense. La défense pourra être, premièrement, une défense simple, dans laquelle le défendeur, dans ses conclusions, demande le rejet de la demande avec dépens.


Une défense pourra aussi être accompagnée, dans la même procédure écrite, d’une demande reconventionnelle, c’est-à-dire que non seulement le défendeur se défend contre le demandeur et sa requête, mais il se porte lui-même en demande, en réclamant à son tour des choses au demandeur. Il sera donc à la fois, en quelque sorte, défendeur et demandeur à ce moment-là. Plutôt que de s’intituler DÉFENSE, sa défense s’intitulera DÉFENSE ET DEMANDE RECONVENTIONNELLE.

Cette dernière manière de faire est facultative. Le défendeur pourrait faire une simple défense. Et poursuivre à son tour le défendeur, mais dans une autre cause, au moyen donc de sa propre requête introductive d’instance. L'utilisation de cette de la demande reconventionnelle dans la défense évite justement au défendeur d'intenter un recours distinct contre le demandeur et de devoir dépenser plus de temps et d'argent. Elle élimine aussi le risque que des jugements contradictoires soient rendus dans deux affaires séparées.

Cela dit, pour qu’une défense et demande reconventionnelle soit recevable, il faut que la réclamation à la base de la demande reconventionnelle découle de la même source que la demande principale ou d'une source connexe.

Par exemple, le demandeur, qui est un entrepreneur en construction poursuit un défendeur pour que celui-ci lui paye des travaux sur un immeuble appartenant au défendeur. Ce dernier pourra non seulement alléguer que son refus de payer est dû à la mauvaise exécution des travaux par le demandeur et donc conclure au rejet de son action, mais aussi lui réclamer, à titre de dommages-intérêts, la différence entre le prix convenu entre eux et la somme qu'il a dû payer à un autre entrepreneur pour corriger les vices de construction.
Dans ce cas, sa demande reconventionnelle incluse dans sa défense sera recevable, puisque sa source, le contrat de construction et son exécution, est identique à celle de la réclamation du demandeur.



Contenu de la défense

Le défendeur ne peut, dans sa défense, se contenter de nier toute la requête introductive d’instance en bloc, ou paragraphe après paragraphe. Il doit admettre les allégations contenues dans cette requête qu'il sait être vraies. Il peut aussi indiquer, à la place d’une admission ou d’une négation, qu’il ignore les faits contenus dans un paragraphe de la requête introductive d’instance, ou nier tel que rédigé ce paragraphe, quand les faits exposés ne sont pas présentés de façon correcte, sont déformés ou contiennent des inexactitudes.

Un exemple de défense est fourni à la fin du présent texte.


Une défense se divise en plusieurs parties. Dans la première partie, le défendeur commence d’abord, en général, par répondre paragraphe par paragraphe à la requête introductive d’instance en indiquant s’il admet le contenu de ce paragraphe ou de ces paragraphes, s’il le nie, s’il ignore les faits qui y sont exposés, ou s’il les nie tel qu’ils ont été rédigés par le demandeur.

Par exemple, si le défendeur croient que les faits contenus dans les paragraphes 5 à 10 de la requête introductive d’instance sont faux, mais qu’il sait que le paragraphe 11 dit vrai, il pourra l’indiquer ainsi dans les paragraphes de sa défense, disons les paragraphes 4 et 5, qui se liront ainsi :

4. Il nie les paragraphes 5, 6, 7, 8, 9 et 10 de la requête introductive d’instance;
5. Il admet le paragraphe 11 de la requête introductive d’instance;

Il y a une règle qu’il faut toutefois avoir en tête lorsque que l’on rédige une défense et c’est le suivant : en procédure écrite, qui ne dit mot ne consent pas ! C’est ce que stipule l’article 86 C.p.c : « À moins d'une disposition contraire, le silence d'une partie à l'égard d'un fait allégué par la partie adverse ne doit pas être interprété comme une reconnaissance de ce fait ». Autrement dit, l'allégation de faits demeurée sans réponse, ni admise, ni niée, ni ignorée, doit être prouvée comme si elle avait été niée ou ignorée.

Une fois que le défendeur a répondu à tous les paragraphes, il fournit sa version des faits, après avoir inscrit, pour indiquer la transition entre les deux parties de la défense, une formule telle que la suivante :

ET D'ABONDANT, AU SOUTIEN DE SA DÉFENSE, LE DÉFENDEUR PLAIDE :

Pour ce qui est de cette seconde partie de la défense, indiquons que la plupart des remarques que nous avons fait dans le texte portant sur la requête introductive d’instance s’applique à la défense, et qu’on aurait donc intérêt à le lire aussi.

La défense doit donc exposer elle aussi tous les faits essentiels de la cause, mais selon la version du défendeur. Elle doit être divisée en paragraphe numéroté, chacun énumérant un fait important, si possible. L’exposé des faits doit être précis, clair et concis. Il doit s’agir de faits probants et pertinents, dont la preuve est admissible. On ne doit donc pas rédigé un roman ou une défense mettant en scène ses émotions, sa colère à l'endroit du demandeur ou d'un autre, etc. Les propos offensants sont également à exclure.

Les pièces mentionnées au soutien de la défense doivent, quant à elles, porter une cote, qui en défense commence souvent par la lettre D (D-1, D-2, etc.).

Finalement, pour rappeler un fait déjà allégué, soit dans la requête introductive d’instance ou dans la défense même, il n'est pas nécessaire de répéter au long ce fait. Un simple renvoi, au paragraphe dans lequel il est énoncé, suffit; en précisant, cependant, s’il s’agit d’un paragraphe de la requête ou de la «présente défense».



Exemple d'une défense




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mercredi 14 novembre 2007

Se représenter soi-même devant un tribunal : 6- La requête introductive d'instance

Si vous vous présentez seul, sans avocat, devant un tribunal du Québec, et que vous poursuivez quelqu’un au civil, vous devrez forcément rédiger vous-même certains actes de procédures. Le présent texte a pour but de vous exposer les grandes lignes de la rédaction d’une requête introductive d’instance, qui sert à introduire une demande en justice.



La forme

La requête introductive d’instance est la procédure écrite généralement utilisée pour introduire une demande en justice, autrement dit pour intenter un recours contre une personne ou une entreprise.

Comme toutes les procédures déposées à la cour, la requête introductive d’instance doit respecter un certain nombres de normes. C’est, entre autres, le cas quant à sa forme et à son format. Ainsi, à la Cour du Québec, tout acte de procédure doit être lisiblement écrit sur un côté seulement d'un papier dont le format est de 21,5 x 35,5 cm (8 X 14 po).

L’en-tête de la requête introductive d‘instance (c’est-à-dire la partie supérieure de la première page de la requête) doit mentionner la province, le district judiciaire dans lequel elle est présentée, ainsi que les nom et adresse des parties. Plus précisément, elle indique, pour ce qui est du défendeur, l’adresse de sa dernière résidence connue.

On peut devoir également indiquer dans l'en-tête, s'il y a lieu, la qualité de la partie qui y figure autrement qu'à titre personnel. Par exemple, si c’est le tuteur d’une personne incapable qui poursuit à titre de tuteur une autre personne ou une entreprise, il doit l’indiquer dans l’en-tête.
Nous fournissons un exemple d’en-tête ci-dessous, dans une cause fictive dans laquelle nous serions impliqués en tant que demandeur face à un monsieur Y.


Exemple d'en-tête





L'endos de la requête introductive d’instance se trouve sur la dernière page d’un acte de procédure. Le contenu écrit de cette page est tourné vers l’extérieur, c’est-à-dire dans le sens inverse des autres pages; afin que l’on puisse en lire le contenu sans devoir retourner la dernière page. Le contenu écrit de la page est retourné de 90 degrés par rapport au texte des autres pages.

L’endos de la requête introductive d’instance doit indiquer la nature du recours, son objet et le montant d’argent réclamé dans la requête, le numéro du dossier (qui est fourni par le greffe du palais de justice), le nom des parties. L’endos doit également indiquer, dans sa partie inférieure (en bas), le nom de la partie qui présente la requête, son adresse, son code postal, son numéro de téléphone, et son numéro du télécopieur s’il en a un.

Nous fournissons un exemple d’en-tête ci-dessous dans une cause fictive dans laquelle nous serions impliqués en tant que demandeur face à un monsieur Y. On remarquera que l’endos se trouve bien positionné à 90 degrés par rapport à la page sur lequel il se trouve.


Exemple d'Endos


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La requête introductive d’instance est divisée en paragraphes, comme les autres actes de procédure. Chaque paragraphe est numéroté. Le premier paragraphe porte le numéro 1, le deuxième paragraphe porte le numéro 2, et ainsi de suite : les paragraphes sont numérotés consécutivement.

Chaque paragraphe contient normalement une allégation, c’est-à-dire un fait important, un motif ou une référence à une pièce.

Cette numérotation des paragraphes permet à la partie adverse, ici le défendeur, de répondre à cet acte de procédure par simple renvoi au paragraphe où est énoncé un fait déjà allégué.

La requête introductive d’instance doit exposer les faits se rapportant à la cause et qui devront être prouvés. Elle doit également indiquer les résultats que le demandeur souhaite obtenir par son recours devant les tribunaux. Ces résultats peuvent être, par exemple, de se faire rembourser le montant d’un prêt, ou d'obtenir le paiement pour la vente d’un bien, ou encore se faire dédommager pour des dommages causés par la faute du défendeur (que ce dernier fasse quelque chose qu’il doit légalement faire ou qu’il cesse de faire quelque chose qui nuit au demandeur), etc.

La requête introductive d’instance indique également les principales pièces (les documents écrits ou les preuves matérielles) sur lequel elle se fonde, elle s’appuie. Chacune de ces pièces mentionnées dans la requête s’accompagne d’une cote c’est-à-dire d’un numéro précédé d’une lettre unique qui est propre au défendeur, afin de permettre d’identifier rapidement et facilement les pièces.

Par exemple, dans une requête introductive d’instance, les pièces ont généralement des cotes qui commencent par la lettre P, tandis qu’en défense c’est d’habitude la lettre D qui est utilisé.
Ainsi, la première pièce mentionnée dans la requête recevra la cote P-1, la deuxième pièce la cote P-2, et ainsi de suite. Quand on mentionne une pièce dans une procédure, on ne lui donne pas une nouvelle cote, mais celle donnée la première fois.

Il faut noter que les pièces conservent les mêmes cotes tout le long du procès, quelques soient les démarchent faites durant celui-ci.

La requête introductive d’instance est finalement signée par le demandeur, puisqu’il se représente lui-même sans avocat; dans le cas contraire ce serait l’avocat qui signerait la requête.
Un exemple de requête introductive d'instance est fournie à la fin du présent texte



Le contenu

Il est essentiel que le demandeur expose, dans sa requête introductive d’instance, tous les faits qu’il a l’intention de prouver lors du procès. En effet, le demandeur ne pourra pas tenter de prouver, par la suite, lors de l’audition de la cause, un fait qui n’aura pas été allégué (c’est-à-dire mentionné comme étant vrai) dans la requête. Cela pourrait, entre autres, être de nature à prendre par surprise la partie adverse.

Par conséquent, chaque fait important doit faire l’objet d’une allégation. On parle ici de faits, et non d’arguments de droit, qui eux n’ont généralement pas à être exposés dans la requête.

Autrement dit, la requête sert à présenter sa version des faits, et non pas à argumenter ou à plaider.

S’il est particulièrement important d’exposer tous les faits dans la requête introductive d’instance, c’est que qu’il revient généralement au demandeur d’assumer le fardeau de la preuve, de prouver les faits de la demande. Cela veut dire que s’il n’est pas en mesure de faire la preuve de tous les faits essentiels nécessaires pour que le tribunal lui donne raison, celui-ci rejettera son recours et cela, même si le défendeur ne présente pas une défense solide ou même aucune défense.

C’est pourquoi le demandeur doit alléguer les faits en cause. Mais pas n’importe quels faits ! Il faut alléguer des faits pertinents dont la preuve est admissible, soit les faits en litige, ou des faits qui contribuent à prouver des faits litigieux ou des faits susceptibles de permettre l'appréciation par le tribunal de la force probante d'un témoignage (de la qualité et de la véracité du témoignage).

Dans la requête introductive d’instance (comme dans les autres actes de procédures d’ailleurs), le demandeur doit exposer les faits de manière précise, explicite et succincte. Cela veut dire qu’il doit être clair dans ses explications, mentionner les détails importants rattachés au fait qu’il expose, tout en étant le plus bref possible. Autrement dit, le demandeur ne doit donc pas s’étendre à l’infini dans ses explications, mais il ne doit pas oublier des faits ou des détails importants pour sa cause.

Il faut donc éviter d’alléguer les faits d'une façon vague ou ambiguë, ce qui empêche le défendeur de savoir ce qu’on lui reproche au juste.

Il n'est cependant pas nécessaire d'alléguer les faits secondaires, ni tous ses moyens de preuve.

Finalement, les conclusions de la requête introductive d’instance, comme pour tous les actes de procédures, sont d’une grande importance. Elles doivent donc être rédigées avec soins et de façon très claire et directe. En effet, ce sont les conclusions qui permettent de préciser la nature véritable de la cause et de la ou des demande(s) que l’on fait au tribunal et de saisir formellement celui-ci.


Les gens qui se représentent eux-mêmes, et qui n’ont pas de formation juridique, ont tendance souvent à faire l'une ou l'autre des choses suivantes. Soit qu'il écrivent trop peu de choses dans leur requête introductive d’instance, en oubliant des faits essentiels. Soit ils écrivent trop de choses, dont beaucoup sont inutiles, perdant ainsi leur lecteur et surtout des choses ne sont pas pertinentes à la cause, et/ou ne pourront pas être mis en preuve. À cet égard, indiquons qu’une requête introductive d’instance n’est pas un roman rempli de sentiments et d'anecdotes.

Ainsi, par exemple, il n’est pas pertinent de dire que l’on sait que le défendeur trompe sa femme à tour de bras, quand on le poursuit pour le remboursement d’un prêt qu’on lui a consenti. Ce n’est pas pertinent. Cela ne prouve en rien qu’on lui a prêté de l’argent et qu’il n’a aucune raison valable de ne pas nous rembourser.

Par ailleurs, les propos insultants pour le défendeur sont à éviter totalement. Par exemple, si vous considérez que le défendeur vous a fraudé par le passé, après avoir exposé les faits, indiquez que le défendeur a commis une fraude à votre endroit, et non pas que le défendeur est le plus grand fraudeur que la terre est jamais porté, que c’est une racaille et une pourriture totale. De tels propos ne vont pas influencer un juge, au contraire, ces propos vont vous desservir et même vous nuire, car il jugera éventuellement que vous êtes passablement subjectif et émotif, et que vous avez une vision déformée de la cause.

Évitez aussi d’exposer vos états d’âme. Encore une fois, tenez-vous en aux faits.



L’avis au défendeur

La requête introductive d’instance est accompagnée d’un avis au défendeur (prévu à l’article 119 du Code de procédure du Québec), qui enjoint, entre autres, au défendeur à comparaître et qui lui indique la date et le lieu auxquels la requête introductive sera présentée au tribunal, si les parties ne peuvent d'ici là s'entendre sur un échéancier au sujet du déroulement de la demande.

En principe, cette date ne peut être fixée à moins de 30 jours à compter de la signification de la requête.

L'avis doit, de plus, informer le défendeur:

1° qu'il est tenu de comparaître dans le délai mentionné, à défaut de quoi jugement pourra être rendu par défaut contre lui sans autre avis ni délai;
2° que, s'il comparaît, la demande sera présentée devant le tribunal à la date indiquée, à moins qu'une entente écrite n'intervienne auparavant entre les parties pour établir le calendrier des échéances à respecter en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance;
3° que le tribunal, à la date indiquée pour la présentation, pourra exercer les pouvoirs nécessaires en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance;
4° que les pièces au soutien de la requête introductive sont disponibles sur demande;
5° qu'il peut obtenir du greffier que la demande soit traitée selon les règles prévues au Livre VIII du Code de procédure civile si, à titre de demandeur, il aurait pu agir et présenter une telle demande suivant ce livre et l'informer également qu'à défaut de faire cette demande, il pourra être tenu des frais du demandeur selon les règles applicables suivant les autres livres du code.

L'avis au défendeur comprend la dénonciation des pièces au soutien de la requête introductive d'instance, c’est-à-dire que l’avis contient une liste des pièces .

Un exemple d'avis au défendeur est fourni à la fin du présent texte.



Le dépôt et la signification de la requête introductive d’instance

Comme toutes les autres procédures, la requête doit être produite au greff
e du palais de justice et doit être signifiée au défendeur. La requête doit aussi être timbrée, c’est-à-dire que des frais doivent être payés pour pouvoir la déposer à la cour.

Plus précisément, une fois qu’il a fini de rédiger sa requête introductive d’instance et son avis au défendeur, le demandeur doit aller déposer au greffe du palais de justice la requête et l’avis et cela, afin de faire ouvrir un dossier de cour.

Avant de se présenter au greffe, le demandeur fait au moins deux copies (signées copie conforme) de l’original de sa requête introductive d’instance et de son avis au défendeur. L’endos de ces deux copies doit indiquer Copie conforme (ou peut aussi indiquer, selon le cas, copie au défendeur et copie de la cour), en remplacement de la mention original qui apparaît à l’endos de l’original.

En fait, il en fait deux copies s’il n’y a qu’un seul défendeur. Il doit préparer une copie supplémentaire pour chaque défendeur ou mise en cause qu’il y a en plus. En effet, chaque partie a le droit de recevoir sa copie de la requête.

Lors de la présentation de la requête au greffe, une fois que les frais judicaires ont été payés (que l‘on a fait timbré la requête), le greffier appose un numéro sur l’original de la requête et sur les copies. Le greffier garde, dès ce moment-là, une copie de la requête introductive d’instance, pour la verser dans le dossier du tribunal, et ainsi ouvrir celui-ci. Il remet au demandeur l’original et l’autre copie de la requête (ou les autres copies, si il y plus d’une partie adverse).

Il reste alors à faire signifier la requête et l’avis. En général, cette signification se fait par huissier.

On se présente donc chez le huissier avec l’original et la copie, ou les copies, qui restent.

Après que la requête et l'avis eut été signifiés, et que la preuve de cette signification est été rendue disponible, les originaux de la requête, de l’avis et de la preuve de signification doivent être rapportés au greffe du tribunal; et cela au moins 48 heures avant la date fixée pour la présentation de la demande ou dans le délai fixé par les règlements de procédure.

Cette dernière étape est importante. En effet, l'article 148 Code de procédure civile prévoit qu'aucun jugement ne peut être rendu contre un défendeur qui n'a pas comparu ou qui n'a pas plaidé, si le demandeur n'a pas tout d’abord déposé au greffe l'original de la requête introductive d'instance avec la preuve de sa signification.



Exemple d'une Requête introductive d'instance




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Exemple d'avis au défendeur




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mardi 13 novembre 2007

Se représenter soi-même devant un tribunal : 5- Les différentes étapes et procédures avant le procès


Plusieurs étapes doivent être franchies avant que ne débute un procès, notamment en matière de procédures. Étant donné que vous vous présenterez seul devant les tribunaux, sans avocat, vous devrez connaître les diverses procédures à remplir suite au dépôt d’un recours. Et vous devrez rédiger et signifier vous-même certaines de ces procédures.

Nous exposons ici les principales étapes et procédures qui devront être franchies ou remplies, tant par le demandeur que le défendeur, avant que la cause soit inscrite au rôle du tribunal.


Ces principales étapes sont :


L’introduction de la demande, qui se fait généralement par la signification et le dépôt d’une requête introductive d’instance, qui est une procédure écrite dans laquelle le demandeur expose tous les faits du litige, ses arguments et les résultats qu’il souhaite obtenir par son action.

Elle est accompagnée d’un avis au défendeur (prévu à l’article 119 du Code de procédure du Québec), qui enjoint, entre autres, au défendeur à comparaître et qui lui indique la date et le lieu auxquels la requête introductive sera présentée au tribunal.

Nous reparlerons plus en détails de la requête introductive d’instance dans un prochain texte.


La comparution, de l’autre partie (c’est-à-dire du défendeur), qui est une procédure écrite qui indique, en quelque sorte, que cette dernière va s’impliquer dans le procès. Si le défendeur ne produit pas au greffe de la cour une comparution, un jugement par défaut de comparaître pourra être rendu contre lui. Autrement dit, il est essentiel de comparaître.

Un défendeur dispose, en principe, de dix (10) jours, à compter du moment où un huissier lui remet la requête accompagnée de l’avis au défendeur, pour déposer une comparution au greffe de la cour.


Le délai de comparution n'est toutefois pas de rigueur. Cela veut dire l’on peut comparaître hors délai et ce, tant que le demandeur n'a pas produit au dossier les actes de procédure nécessaires pour obtenir un jugement par défaut. On a pas, à ce moment-là, besoin d’obtenir d’autorisation judiciaire, pour pouvoir déposer notre comparution en retard. Il est, toutefois, hautement recommandé de comparaître à l’intérieur du délai de dix jours.


Nous fournissons un exemple de comparution ci-dessous.






- L’entente sur le déroulement de l’instance, qui est une procédure écrite, dans laquelle les parties au procès décident d’un échéancier (c’est-à-dire un genre de calendrier), d’une durée maximale de 180 jours (délai de rigueur) dans lequel sont inscrites les dates limites des principales étapes à franchir avant d’inscrire la cause au rôle. Cette entente peut porter sur : la présentation d’une défense écrite ou verbale, les points que vous désirez débattre devant le tribunal avant l’audition finale de la cause, la façon dont seront communiquées les pièces que vous déposerez au tribunal lors du procès, les délais pour la production de documents, telles des expertises, etc.


Si une entente sur le déroulement de l’instance est signée par les deux parties, alors elle n’auront pas à présenter la requête introductive d’instance au tribunal à la date indiquée dans l’avis au défendeur; puisqu’elles se seront déjà entendues sur ce qui doit être fait et les délais à respecter avant le début du procès.


- Les moyens préliminaires et déclinatoires, qui sont présentés aux moyens de requêtes ou d’avis écrits, lorsque les circonstances le justifient. Ainsi, le défendeur peut demander dès le départ, au tribunal, qu’il rejette la requête introductive d’instance ou qu’il suspende le processus judiciaire en invoquant certaines irrégularités : la cause n’a pas été portée devant le bon tribunal ou dans le bon district judiciaire, ou la cause est prescrite (c’est-à-dire qu’elle a été présentée trop tard, donc hors délai), ou encore qu’elle est non fondée en droit, etc.


- La défense, qui est une procédure, écrite ou orale selon les cas, dans laquelle le défendeur conteste la requête du demandeur et y répond, en fournissant sa propre version des faits, et dont l’absence peut entraîner un jugement par défaut de plaider. Autrement dit, il est important de présenter une défense. Au début de sa défense, le défendeur commence par indiquer s’il admet, nie, ignore, chacun des paragraphes de la requête introductive d’instance, avant de donner sa version des faits.

Nous reparlerons plus en détails de la défense dans un prochain texte.


- L’interrogatoire préalable, qui n’est pas obligatoire, mais qui permet aux parties, avant ou après que la défense ait été produite, de procéder à un interrogatoire en l’absence d’un juge au début du processus judiciaire, afin de demander des précisions sur les faits du dossier et d’obtenir copie de certains documents.


- La réponse, qui est une procédure écrite que peut rédiger le demandeur (elle n’est pas obligatoire) pour répondre aux affirmations contenues dans la défense.



- L’inscription, qui est une procédure écrite, généralement préparée par le demandeur, qui indique au tribunal que les parties sont prêtres pour le procès et demandent qu’une date soit fixée pour la tenue de celui-ci. Elle doit être déposée au greffe du tribunal à l’intérieur du délai de 180 jours.


Cette liste est loin d’être complète et exhaustive. À vrai dire, il faut en connaître nettement plus que ce qui est décrit ici pour agir convenablement dans un procès. Vous auriez donc intérêt, pour débuter, à consulter, entre autres, le site Internet Éducaloi à l’adresse suivante : http://www.educaloi.qc.ca/cotecour/cour_superieure/matiere_civile/procedures/

Se représenter soi-même devant un tribunal : 4- Le recours ?

Avant d’intenter un procès à quelqu’un, encore faut-il disposer d’un recours bien réel contre lui. Vous devez également savoir devant quelle cour il vous faudra le poursuivre, à quel endroit il vous faudra présenter votre demande, et aussi de quel délai vous disposez pour le faire.


Avez-vous un recours ?
Pour pouvoir poursuivre quelqu’un, il faut que vous ayez réellement un droit à faire valoir et que vous ayez un intérêt suffisant dans la cause que vous soumettez au tribunal.

Ce qu’on entend par un intérêt « suffisant » c’est l'utilité ou l'avantage pratique que quelqu’un retirera s‘il intente un procès et qu’il gagne Ainsi, lorsqu'une personne en poursuit une autre, parce que cette dernière personne doit de l’argent qu’elle lui a emprunté, son intérêt est de se faire payer par cette dernière personne. Encore faut-il que la dette soit exigible, que le remboursement soit dû au moment où l’action est intentée. Par exemple, vous ne pouvez pas poursuivre une personne si cette personne ne doit vous rembourser la somme empruntée que dans un an.

Il faut également que la loi vous donne le droit de poursuivre. Ou encore ne vous l’interdise pas.

Par exemple, si vous avez subi un accident automobile, en raison de la faute d’un autre automobiliste, et que dans cet accident vous avez été gravement blessé, et que depuis vous êtes handicapés et que ne pouvez plus travailler, vous ne pourrez pas poursuivre le responsable de l’accident. Vous devrez plutôt déposer une demande d’indemnisation à la Société de l’assurance automobile du Québec. Cette interdiction de poursuivre en justice le responsable de l’accident automobile, pour des dommages corporels, est énoncée précisément à l’article 83.57 de la Loi sur l’assurance automobile.


Pouvez-vous poursuivre ?

Il faut aussi que vous ayez la « qualité » pour pouvoir poursuivre, c’est-à-dire que vous soyez vous-même directement impliqué dans l’affaire qui vous occupe. En effet, selon l’article 59 du Code de procédure civile, « nul ne peut plaider sous le nom d'autrui, hormis l'État par des représentants autorisés ». Cela signifie qu'une personne, même représentée par avocat, « doit agir devant les tribunaux et apparaître dans les actes de procédure sous sa véritable identité, en son nom propre ».

Ainsi, si votre conjoint a des problèmes avec une personne avec lequel il a signé un contrat et que cette dernière ne veut pas remplir sa part du contrat, c’est à votre conjoint de poursuivre cette personne, pas à vous. Autrement dit, vous ne pouvez pas intenter une poursuite à sa place ou en son nom.

Il faut également que vous ayez la capacité juridique de déposer une demande ou de vous défendre par vous-même ; c’est-à-dire que vous soyez, comme on dit, autorisé à ester en justice. En principe, toutes les personnes majeures, âgées de 18 ans ou plus (âge de la majorité au Québec), ont cette capacité; à moins qu’elle était au préalable déclarée incapable ou inapte par un tribunal.


Est-il encore temps de poursuivre ?

On de dispose pas de toute la vie pour pouvoir poursuivre quelqu’un. Il y a des délais (dits de prescription) , à respecter. Après un certain temps, votre droit de poursuivre est prescrit, c’est-à-dire qu’il ne peut plus être valablement exercé. Et vous n’avez plus de recours.

Les délais de prescription fixés, pour intenter une poursuite, varient de deux semaines à dix ans, selon la nature de la réclamation.

Par exemple, si vous pensez poursuivre une municipalité pour des dommages matériels (que vous auriez subis, par sa faute, celle de l’un de ses employés, ou encore sa négligence), vous ne disposez que de seulement quinze (15) jours pour aviser la municipalité de votre intention de la poursuivre.

Par contre, si vous décidez de poursuivre un individu ou une entreprise pour dommages matériels, vous disposerez de trois (3) ans pour le faire et cela, à compter du jour où les dommages ont été causés.

Il en va de même pour un dommage corporel (vous avez subi une blessure physique). Vous disposerez de trois (3) ans pour poursuivre le responsable du dommage : un médecin, une station de ski, un simple individu, etc. Toutefois, dans ce cas, si les conséquences de votre blessure n’apparaissent qu’après un certain temps ou seulement de manière graduelle, le délai commencera à courir seulement le jour où ses conséquences (le préjudice) se manifeste pour la première fois.


Devant quel tribunal présenter sa cause ?

Les tribunaux qui entendent une première fois une cause sont désignés comme étant les tribunaux de première instance. Ces tribunaux de première instance sont en matière civile : la Cour supérieure du Québec et la Cour du Québec, cette dernière comprenant la Division des petites créances et la Chambre de la jeunesse (qui s’occupe d’adoption et de protection).
Plusieurs critères peuvent servir à déterminer devant quelle cour vous devait présenter votre réclamation. Le premier de ces critères c’est le montant d’argent qui est en jeu; autrement dit, la somme pour laquelle vous poursuivez.

Ainsi, si votre demande est de 7 000 $ ou moins, elle devra être présentée à la Division des petites créances de la Cour du Québec.

Si votre réclamation se situe entre 7 000,01 $ et 69 999,99 $, votre requête introductive d’instance devra alors, être adressée à la Chambre civile de la Cour du Québec.

Enfin, si votre réclamation est de 70 000 $ ou plus, votre affaire relève de la Cour supérieure.
Au critère du montant de la réclamation s’ajoutent d’autres critères qui peuvent annuler ce premier ou le modifier, notamment les deux suivants : le statut des demandeurs (par exemple, les recours collectifs relèvent de la Cour supérieure) ou la nature du recours (par exemple, les pensions alimentaires sont du ressort de la Cour supérieure, tandis que le paiement des taxes municipales est du ressort de la Cour du Québec).

Si, par contre, vous désirez contester une décision rendue par un tribunal de première instance, vous pouvez dans certains cas, avec ou sans permission, vous adresser à la Cour d’appel du Québec.

Il faut d’abord savoir qu’un jugement rendu par la Division des petites créances est lui sans appel : vous ne pouvez pas le contester devant une autre cour.

À l’opposé, les jugements rendus en chambre de pratique de la Cour du Québec et ceux de la Cour supérieure peuvent faire l’objet d’un appel, mais cela seulement à certaines conditions. Il faudra vous renseigner pour savoir si vous pouvez en appeler de la décision du tribunal de première instance.