mercredi 5 mars 2008

Se représenter soi-même au criminel et au penal : 2- Au procès

La personne qui est accusée au criminel ou au pénal et qui se représente seule, sans avocat, risque par ignorance de commettre de nombreuses erreurs lors de son procès et des représentations sur sentence, et de rencontrer bien des difficultés. Parmi ces erreurs et difficultés, elle doit notamment éviter, dans la mesure du possible de commettre les suivantes :



Lors du procès

La première erreur que font souvent les personnes qui se représentent elles-mêmes, c’est de ne pas prendre connaissance de la preuve ou du dossier déposé par le ministère public contre eux. Nous avons déjà parlé de cette erreur dans le texte précédent, mais nous y revenons pour répéter ce conseil essentiel, prenez connaissance de la preuve déposée contre vous. Sans cela, vous ne pourrez pas vous défendre ne serait-ce qu’un peu adéquatement.





La seconde erreur, c’est de croire que, comme accusé, on est obligé de témoigner dans son procès. Or, ce n’est pas le cas. Et un accusé peut avoir intérêt à ne pas témoigner, surtout quand la preuve contre lui n’est pas solide.

Il ne faut pas perdre de vue qu’il revient au procureur de la Couronne de faire la preuve que l’accusé est coupable, et non pas à l’accusé de prouver qu’il est innocent.

Autrement dit, dans notre système de droit criminel et pénal, un accusé est considéré innocent jusqu’à preuve du contraire. Et c’est à la Couronne de démontrer la culpabilité de l’accusé à l’aide de preuves. Ces preuves doiventt être suffisamment fortes pour que la culpabilité de l’accusé soit démontrée hors de tout doute raisonnable ; que le juge ou le jury n’est pas de doute sérieux qu’il est coupable.

En témoignant sans avocat, un accusé risque toujours de faire des admissions de faits ou des aveux involontaires et incriminants, ou encore de mal paraître en contre-interrogatoire, etc.

Ainsi, si en contre-interrogatoire, un accusé répond, par exemple, « Oui, je l’ai frappée, mais lui aussi il m’a frappé », et bien en disant cela il vient d’admettre un fait très important, à savoir qu’il a commis l’acte qu’on lui reproche : il a frappé la personne

Un accusé peut donc, sans le vouloir, aider à faire la preuve de la poursuite en témoignant, surtout s’il n’est pas représenté par avocat. Alors, si la preuve contre cet accusé n’est pas solide, il pourrait être préférable pour lui de tout simplement ne pas témoigner.

Une troisième erreur que commettent habituellement les accusés qui se représentent eux-mêmes, est de mal analyser, faute des connaissances requises, les différents témoignages entendus en cour, ainsi que leur portée. Cette troisième erreur explique en partie la deuxième erreur exposée ci-dessus.

Ce type d’erreur tient au fait que ces accusés ne sont, trop souvent, pas en mesure d’évaluer la pertinence de la preuve qui a été accumulée contre eux, ainsi que la preuve dont ils disposent eux pour se défendre.

Une quatrième erreur, qu’ils commettent aussi couramment, est de ne pas citer à comparaître des témoins qui leur sont favorables, et dont ils ont besoin pour se défendre. Ils se privent ainsi d’une partie de la défense qu’ils auraient pu présenter.

Une cinquième erreur, qu’ils font très souvent, est de ne pas utiliser les bons moyens de défenses compte tenu de la situation particulière à laquelle ils sont confrontés.

Ainsi, et c’est une faute commise régulièrement par ces accusés, ils se présentent à leur procès alors qu'il n'y a pas vraiment matière à procès. Il faut ici expliquer ce qui se passe avant le début du procès comme tel. Une fois qu’un accusé a enregistré un plaidoyer de culpabilité ou de non culpabilité (a déclaré qu’il est coupable ou non coupable), il aura la possibilité de demander ou non que se tienne une enquête préliminaire (ou enquête pro forma), pour décider s’il y a réellement matière à procès. Lors de cette enquête préliminaire, le juge va regarder l’ensemble des preuves recueillies contre l’accusé. Il va les évaluer et décider si elles sont suffisantes ou non, et, par conséquent, s’il y a lieu ou non de tenir un procès pour les infractions qui sont reprochées à l’accusé.

L’enquête préliminaire (ou enquête pro forma) est généralement essentielle. Elle informe l’accusé des preuves que détient la Couronne contre lui. Or, bien des accusés non représentés négligent cette étape, et décident d’aller tout de suite à procès. Cela est souvent une mauvaise décision.

Une sixième erreur que commettent souvent les accusés qui se représentent eux-mêmes est de ne pas contester l’admissibilité des aveux qu’ils auraient pu faire par le passé concernant les infractions qu’ils ont commises. Disons tout simplement ici que toute déclaration ne constitue pas forcément un aveu, et que tous les aveux extrajudiciaires (c’est-à-dire faits hors cour) ne sont pas recevables en preuve.

Un aveu est une confession ou déclaration incriminante ou préjudiciable faite par un accusé à une personne en autorité (par exemple, à un policier). En matière criminelle, les aveux d’un accusé ne sont admissibles en preuve que s’ils ont été faits librement et volontairement. La procédure criminelle prévoit la tenue d’un « voir-dire » au cours d’un procès pour déterminer le caractère libre et volontaire d’un aveu, afin de déterminer si cet aveu peut être reçu en preuve. À moins que le défendeur renonce expressément à la tenue du voir-dire.

Par ailleurs, l'une des grandes difficultés, à laquelle fait face une personne qui se défend seule, survient lorsqu’elle doit elle-même témoigner. Comme elle agit alors à la fois comme témoin et comme son propre avocat, elle est mal placée pour s'objecter à la légalité de certaines questions qui lui sont posées en contre-interrogatoire. En effet, elle doit dans le même temps penser à la réponse qu’elle doit donner à la question qui vient de lui être posée. Il est difficile de faire deux choses à la fois quand on témoigne.

Mentionnons que ce sont les parties, et non le juge, qui, dans la grande majorité des cas, doivent s’objecter à la présentation d’éléments de preuve irrecevables ou non pertinents par la partie adverse. Pour un non-juriste, il peut être difficile de reconnaître si un élément de preuve est admissible ou pas.




Détermination de la peine

Lorsque un accusé a plaidé coupable ou a été déclaré coupable par un juge, une peine lui est infligée. Avant d’imposer une peine au condamné, le tribunal doit entendre les représentations de la poursuite et de l’accusé. Ce sera l’occasion pour le condamner d’exposer au juge les circonstances atténuantes dont il doit bénéficier, et qui plaident pour qu’une peine clémente lui soit imposée.





Et c’est ici que les condamnés non représentés commettent de graves erreurs. En effet, Ils ne connaissent généralement pas les arguments qu'ils pourraient faire valoir pour que le tribunal leur impose une peine moins sévère.

De plus, ils ne savent évidemment pas quels sont les meilleurs arguments à faire valoir devant tel ou tel juge en particulier. À force de les fréquenter, les avocats criminalistes d’expérience en viennent eux à connaître les arguments spécifiques auxquels tel ou tel juge est sensible.

Par ailleurs, les condamnés se représentant eux-mêmes n’ont pas d’habitude le réflexe de signaler les changements favorables survenus dans leur vie depuis que l'infraction a été commise, ce qui est une autre erreur. Par exemple, ils ont peut-être obtenu un emploi, ou ils reçoivent des traitements psychologiques ou psychiatriques. S’ils ne l’indiquent pas au juge, celui-ci n’en saura rien, et il n’en tiendra pas compte dans la détermination de la sentence. Celle-ci sera alors plus sévère que ce qu’elle aurait pu être.

Une autre erreur que commettent les accusés qui sont sans avocat vient du fait qu’ils ne connaissent pas les sanctions qui sont obligatoirement imposées au minimum lorsque des crimes ou des infractions graves sont commis. Ces sanctions sont imposées par la loi, et le juge n’a pas le choix que de les appliquer. Par exemple, une personne qui a été reconnue coupable d’avoir commise une extorsion avec une arme à feu se verra imposer une peine minimale de 4 ans d’emprisonnement, en vertu de l’article 346 (1)(1.1) a) du Code criminel du Canada.

Une erreur additionnelle est de ne pas demander un non-lieu ( un acquittement immédiat) quand la preuve de la Couronne n’est pas suffisante ; c'est-à-dire quand cette preuve est incomplète parce que tous les éléments essentiels de l’infraction reprochée n’ont pas été prouvés (par exemple, les témoins ne sont pas parvenus à identifier l’accusé). Si le non-lieu est prononcé par le juge, le condamné n’aura même pas besoin de présenter de défense.

Une autre erreur importante que commettent les condamnés se représentant eux-mêmes, c’est qu’ils ne demandent pas que certains types de sentences leur soient imposées comme l’absolution (elle permet de déclarer que l’on n’a jamais été condamné), ou la probation (le juge sursoit au prononcé de la sentence et ordonne simplement une période de probation), ou le sursis (la peine d’emprisonnement est purgée dans la communauté) plutôt que d’autres types de sentences, comme l’emprisonnement. Une telle erreur peut évidemment avoir de lourdes conséquences sur leur vie future

Une erreur supplémentaire, fréquemment commise par des condamnés non représentés, est de ne pas contester le fait que certaines conditions rattachées à leur peine sont irréalisables ou préjudiciables par rapport à leur situation et obligations familiales. Ainsi, une interdiction de conduire ou un engagement de ne pas troubler l’ordre public peut empêcher un condamné de conduire ses enfants à l’école. Il en va de même d’un couvre-feu ou des conditions de conduite qui peuvent avoir des répercussions sur l’emploi de ce condamné.